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Nous ne sommes pas nos pensées, nous avons des pensées ! 

Dans cet article, j’échange avec Marie-Pierre Le Bris qui a rejoint l’équipe Serensys Lyon sur le programme Diriger Autrement que nous lançons dès Octobre 2020.

Marie- Pierre, ancienne Directrice de l’Ecole d’Arts et de culture est fondatrice de Mindfullness Lab, titulaire d’un DU de Médecine, Méditation et Neurosciences de l’Université de Médecine de Strasbourg et également formée et qualifiée pour instruire le protocole de méditation MBSR – Mindfulness Based Stress Reduction-, protocole international, reconnu scientifiquement, pour la réduction du stress.

Virginie : merci Marie- Pierre de nous faire le plaisir de partager avec nous, ici et maintenant, quelques secrets de fonctionnement de ce magnifique organe qu’est le cerveau ! Chez Serensys, nous avons l’habitude d’exprimer haut et fort lors de nos accompagnements, « Nous ne sommes pas nos pensées, nous avons des pensées ! »Cela crée souvent de la surprise parmi l’auditoire, peux-tu m’en dire un peu plus à ce sujet ?

 Marie- Pierre : la plupart du temps, nous les êtres humains, nous pensons que nous sommes les pensées et que celles-ci sont la réalité. Il est nécessaire de rappeler que les pensées témoignent de l’activité mentale et que ce sont des phénomènes électro-chimiques qui traduisent l’activité mentale. Si le fait de penser est bien réel, les contenus de nos pensées ne sont pas la réalité elle-même, ni de soi-même, mais des reflets et interprétations de la réalité et de soi-même.

Faire l’expérience tangible, concrète, pragmatique de cela est essentiel.

Combien de fois avons-nous expérimenté ces moments où nous sautons dans un train d’associations de pensées, sans être conscients que nous avons embarqué. Puis soudainement, nous constatons que nous avons été emportés par ce que nous pensons être « nos idées ».

S’entrainer à prendre de la distance par rapport à l’activité mentale nous permet de reconnaître les pensées pour ce qu’elles sont … et juste pour ce qu’elles sont … des pensées !

A titre d’exercice, je propose que nous fermions les yeux quelques instants. Attendez l’arrivée des pensées en restant attentifs à ne pas entrer dans le récit de celles-ci, mais juste attentifs.

Que racontent-elles ? Quelle est la nature de la pensée qui émerge en cet instant ? (Jugement ? narration ? auto commentaire ? imagination ?…), Quelle est leur part de réalité ?

Cette distinction entre l’activité consciente et le mental permet de prendre le recul nécessaire pour tout d’abord clarifier ce qui émerge en tant que pensée, voire les étiqueter pour pouvoir peut-être sortir d’un mode automatique.

Virginie : Marie-Pierre, nous sommes dans un moment où beaucoup d’entre nous sont face à des choix, mineurs ou majeurs. Pourrais-tu nous éclairer sur le fonctionnement de notre cerveau quant à la prise de décision ?

Marie- Pierre : Les recherches en neurosciences nous permettent d’établir aujourd’hui que ce ne sont pas les mêmes zones du cerveau qui s’activent en fonction de l’activité cérébrale.

Les exercices d’attention focalisée comme la méditation de Pleine Conscience (mindfulness) ont permis d’étudier les divers temps d’un cycle cognitif[1], soit du traitement de l’information.

Lorsque les pensées vagabondent, le « réseau par défaut » est alors en action. Il s’agit du moment où le cerveau n’est pas concentré sur les événements sensoriels externes ; quelque chose de l’errance de l’esprit, de la rêverie, est alors vécu. Le cerveau est alors au repos, mais actif ; par exemple, lorsque nous sommes dans un train, sans lecture ni ordinateur. Le cerveau serait donc continuellement en activité, même si l’individu n’est pas activement engagé dans une tâche.

Il s’agit probablement d’un moyen pour le cerveau de se mettre au repos et de pouvoir engranger de nouvelles données.

Puis nous réalisons que nous ne sommes plus focalisés sur notre tâche, et qu’une logorrhée mentale se déroule sans que nous puissions aisément l’interrompre. Nous sommes alors en pilote automatique, sans véritable place pour « autre chose ».

Le réseau par défaut permet de laisser le mental vagabonder et donc d’imaginer, de rêver… Que serait notre vie si elle n’était constituée que de la réalité consciente (!?)

Au moment où nous refocalisons notre attention, nous activons alors le « réseau de saillance ». Cette région cérébrale est activée lorsque survient un nouvel événement ou un événement digne d’attention.

Pour finir, c’est alors le « réseau des fonctions exécutives » qui est activé, permettant de maintenir l’attention sur une tâche prioritaire et d’en être conscient(e). L’esprit alors discerne ce qui se passe, la conscience éclaire alors la conscience de soi en lien avec l’événement et je peux agir avec clarté, lucidité.  

Les méditants expérimentés semblent avoir une activité plus réduite au niveau du « réseau par défaut »[2] . Leur esprit vagabonde moins souvent.  Une étude de l’Université Harvard intitulée sans aucune ambiguïté « A wandering mind is an unhappy mind » (“un esprit qui vagabonde est un esprit malheureux”)[3] révèle des résultats clairs : nous passons 47% de notre temps à rêvasser.

Tout en restant attentif à ne pas basculer dans des propos utilitaristes de la méditation de pleine conscience, il est intéressant de constater par l’expérience directe, comment de manière neuro physiologique, l’utilisation des « fonctions exécutives de contrôle » nous ré-ancre dans le présent[4], et que l’entrainement par la méditation de pleine conscience nous permet alors de développer attention et concentration pour soutenir notre choix d’agir selon notre intention la plus profonde (Vagabondage à Attention à Concentration à Action).

Virginie : Marie-Pierre, nous avons l’immense joie de te voir intervenir à nos côtés, dans notre programme Diriger Autrement auprès des Dirigeants, en ce moment si particulier de l’histoire de l’humanité. En quoi, selon toi, l’entrainement à la médiation de pleine conscience vient-elle nous aider à diriger autrement ?

Marie- Pierre : Parfois les pensées font de véritables intrusions dans notre esprit et la méditation de pleine Conscience permet l’observation intérieure des phénomènes mentaux.

Elle nous permet de reconnaître nos conditionnements (désir-attachements / aversion) et de pouvoir les considérer pour ce qu’ils sont, des conditionnements. Un judicieux moyen de nous prémunir également de nous identifier à une version de nous-mêmes, qui n’est qu’un récit, une narration de soi faite de pensées, d’images et de réactions automatiques.

Et comme de la pensée, naît l’action et de l’action résulte toutes sortes de conséquences : quels sont nos choix ? dans quelles pensées allons-nous nous investir ? Notre tâche n’est-elle pas de voir avec lucidité, avec clarté, de manière à pouvoir décider sur lesquelles nous voulons agir, et celles que nous souhaitons simplement laisser passer.

A l’heure où nous souhaitons y voir plus clair dans nos choix de vie et nos engagements personnels et professionnels, à l’heure où nous souhaitons sortir de nos schémas mentaux, de nos croyances passées pour imaginer le futur de nos organisations humaines, à l’heure où ce monde Volatil, Incertain, Complexe et Ambigu nous invite à être à notre plein potentiel, prendre le temps de clarifier le fonctionnement de l’esprit permet aux Dirigeants :

  • une plus grande flexibilité de l’esprit
  • une plus grande capacité à inventer, créer
  • une plus grande connexion à eux-mêmes, à leurs équipes, à leur eco-système
  • une meilleure appréhension de leur marché
  • une meilleure aptitude à décider
  • une plus grande capacité d’action
  • une plus grande liberté

Rappelons que l’esprit, ce n’est peut-être pas seulement la pensée et le cerveau cognitif, il y a d’autres composantes comme l’intelligence émotionnelle, l’intelligence du cœur et aussi l’intelligence du corps. Il y a encore peu nous pensions le corps et l’esprit séparés.

Dans le programme « Diriger autrement », je soutiens les Dirigeants à déterminer leur intention, en focalisant l’esprit sur un objectif, un cap, attentif aux moyens, tout en s’ouvrant en confiance à tout ce qui se présente dans une conscience ouverte, déployée, au travers du processus continu d’observation, et laissez de nouvelles formes de compréhension émerger.

Voilà mon programme !


[1] Ricard M., Lutz A., Davidson R.J., “Mind of the meditator” Scientific American, 2014.

[2] Brefczynski-Lewis J.A., Lutz A., Shaefer H.S., Levinson D.B., Davidson R.J., « Neural correlates of attentional expertise in long-term meditation practitioners », Proc. Natl Acad. Sci. USA, 2007.

[3] Killingsworth M.A., Gilbert D.T., « A wandering mind is an unhappy mind », Science, 2010.

[4] Anselem B., Joseph-Daily E., « Les talents cachés de votre cerveau au travail », édition Eyrolles, 2020.